Le CRIF ou la solidarité forcée

Aujourd’hui quelques mots sur une institution qui me gonfle de façon démesurée, et dont les interventions me semblent assez systématiquement contreproductives voire délétères. Enfin l’institution je ne sais pas, peut-être qu’elle fait des trucs bien mais les interventions des présidents, Cukierman, puis Prasquier puis… Cukierman (coucou le revoilou) semblent parfois dirigées contre les juifs eux-mêmes, en leur refusant la possibilité de n’être pas solidaires d’Israël. Est-de qu’un juif peut avoir la possibilité d’être seulement un juif de France ? De ne pas être instrumentalisé dans un conflit auquel sa place est assignée à l’avance… parce qu’il est juif ?

On ne dirait pas aux dires de Monsieur Cukierman, qui encore hier sur France Inter a amalgamé, dans ces temps de pourtant « surtout pas d’amalgames » des juifs soutenant israël aux juifs en général. Et comme les amalgames c’est pratique des fois, Cukierman a enchaîné une brillante démonstration comme quoi une manifestation pro-palestinienne ne pouvait que dégénérer en manifestation antisémite. Déjà entendu. Même Claire Servagean, la journaliste qui l’interviewait, et pas spécialement une foudre de guerre, s’est étranglée.

On se souvient que c’est le même brave homme, qui dans son remarquable discernement avait attaqué Olivier Besancenot bille en tête, sous-entendant que ce dernier avait avec ses camardes des complaisances antisémites. Le même brave homme avait cru trouver de quoi se satisfaire du succès de Le Pen au second tour en 2002, puis qu’il inviterait les musulmans à se « tenir tranquille ». Probablement une maladresse dans une sincère volonté d’apaisement…

Bref des déclarations constamment en contradiction et d’un cynisme affolant : refus d’importer le conflit israélo-palestinien quand ce sont des musulmans qui le font mais revendication de solidarité systématique avec Israël, comme si tout juif ne pouvait qu’être d’accord avec lui, condamnation du racisme mais utilisation des accusations de racisme comme arme politique sans souci de justice ou d’équité… N’en jetez plus.

Libre à Monsieur Cukierman d’être totalement solidaire d’Israël quelque soit la politique menée. Libre à lui de le faire au nom du CRIF. Mais par pitié qu’il cesse de le faire au nom des juifs. Qu’il leur laisse leur voix, qu’il leur laisse leur opinion. Qu’il essaie d’être juste, qu’il essaie d’être honnête, qu’il ne parle qu’en son nom et celui de ses amis.

Qu’il sache qu’objectivement, profondément, il fait du tort à ceux qu’il prétend défendre. Les antisémites adorent le CRIF, les antisémites aiment croire que les juifs pensent comme le CRIF.

Bref tous les gens de bonne volonté et un peu éclairés savent cela, mais presque tout le monde médiatique feint de l’ignorer, peut-être de peur de subir l’anathème de l’antisémitisme. Et a qui ça profite ? A ceux qui n’ont pas peur de cet anathème, à ceux qui sont antisémites et le revendiquent. Ils ont l’ennemi dont ils rêvent.

Et toute une jeunesse pas forcément très renseignée de surcroit est sommée de choisir son camp, prête à tomber dans le piège tendu conjointement par une droite juive aveuglément pro-israélienne et le cloaque fascisto-antisémite.

Les imbéciles pyromanes ont beaucoup à partager en dépit de leurs antagonismes apparents.

Ce qui serait bien, ce qui ferait du bien à tout le monde ce serait qu’une fois le CRIF dise qu’il s’occupe des juifs de France et seulement d’eux. Qu’Israël est une autre question, que chaque juif – comme n’importe quel citoyen non juif – peut avoir une opinion différente dessus. Qu’il n’est pas possible de donner l’ « opinion des juifs » dessus car une telle opinion n’existe pas.

Un peu de bonne foi, ici comme partout ailleurs, nous ferait le plus grand bien. Est-ce si naïf, si absurde de l’espérer ?

J’ai peur de trop savoir pour le coup.