Ne le ramasse pas, tu en auras peut-être besoin plus tard…

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Don’t starve est un petit jeu avec de grandes idées. C’est un petit jeu car on en a vite fait le tour, et lorsqu’on a saisi les éléments qui permettent de durer le jeu perd beaucoup de son intérêt. La « rejouabilité », comme on dit, est faible en dehors des premières parties d’exploration. Une fois qu’on a claqué sa grosse partie, qu’on a fait plusieurs cycles de saisons, survécu à un certain nombre d’assauts de monstres on s’ennuie.

Personnellement j’ai adoré jouer à ce jeu pendant plusieurs jours, de façon assez frénétique, je suis mort de plein de façons différentes, puis j’ai fait ma grosse partie, et j’ai subitement déconnecté au bout de 89 jours de survie, alors que je vivais (presque) peinard au milieu de vastes plantations, de séchoirs à viande bien garnis et que des pièges à monstres s’étendaient largement autour de moi. Je m’étais même installé des champs de plantes agressives pas loin, près desquelles j’allais gambader quand une meute de monstres un peu trop insistants persistaient à vouloir ma peau. Je n’étais pas en sécurité, non, Don’t starve ne permet jamais d’être en sécurité. Mais j’étais raisonnablement à distance de la mort. Assez à distance pour m’ennuyer.

Mais il a de grandes idées ce petit jeu, et ce qu’il m’a donné dans les premières heures aucun jeu ne me l’avait donné jusque là. Un mauvais calcul au niveau du feu de camp, une expédition mal gérée en hiver et ça peut vite tourner très mal. Il y a quelque chose de viscéral, de délicieusement primitif dans cette survie ad libitum. On n’est jamais à l’abri de rien : monstres, nuit, gel… La nuit surtout, qui est formidable quand on démarre. On y est plus ou moins en sécurité tant qu’on n’entend pas le halètement des monstres qui s’approchent, tant qu’on entretient le feu, tant qu’on garde un bon moral… C’est une nuit pleine de menace potentielles, dont le feu protège en partie mais qui mène à une mort certaine si on ne l’entretient pas. Il faut avoir fait quelques réserves…

A propos de réserves justement, au début forcément on collecte tout ce que l’on peut. Réflexe atavique du joueur de jeux vidéo, on ramasse tout en attendant le moment où ça servira. Le familier des RPG, mais de finalement tous les jeux ou presque, sait que dans le doute et tant qu’il y a de la place dans le sac il vaut toujours mieux ramasser tout objet qui traîne. Sauf que dans Don’t Starve il y a un premier hic : les denrées alimentaires sont périssable, et il est donc improductif d’accumuler des graines, des baies, des légumes ou de la viande qui finiront par pourrir. Et puis il y a d’autres menaces que la faim. L’obscurité qui vient. Au moins le bois, lui, ne se corrompt pas avec le temps.

Le jeu vidéo, quand il y a des « consommables » est souvent une histoire de goinfrerie : il faut récolter le plus de ressources le plus efficacement possible, et ce qui relève de notions écologiques est souvent introduit de façon un peu artificielle. Peu de jeux poussent le joueur à économiser son environnement, à le ménager pour une utilisation raisonnée et non maximale… Don’t starve apprend à ménager son environnement, et ses efforts. Rien ne sert finalement de multiplier les pièges à lapin, ou les potagers. Il en faut juste le nombre qu’il faut, et au-delà on a certes des réserves plus importantes, mais on utilise son énergie dans des choses non prioritaires. Pourtant quand on a connu la disette l’envie est forte de multiplier les ressources de nourriture.

L’hiver, avec le gel qui peut vous saisir dès qu’on s’éloigne d’une source de chaleur, est finalement à fois dur et plus propice à la contemplation. Il n’est plus vraiment temps de chercher de la nourriture, mieux vaut y avoir pensé avant, on s’occupe donc surtout à chercher du bois dans les proches environs, on reste beaucoup près du feu. On explorera à la belle saison.

Passé un certain de jeu les menaces de la faim et du froid, la nuit même ne sont plus si terribles. La menace la plus tangible, la plus difficile à repousser est constituée de troupeaux de monstres qui apparaissent régulièrement, de plus en plus nombreux. Le challenge est toujours là, mais la poésie gentiment morbide qui a fasciné s’est échappée.

La vie

La vie c’est comme un super jeu vidéo. C’est complexe, c’est profond, on a vachement de liberté, et ce système sans sauvegardes qui bannit totalement la triche, ça rajoute quand même un super côté dramatique. Au niveau visuel rien à dire, on s’y croirait tant qu’on peine à imaginer mieux. Et le sons ! Et les odeurs !

Par contre quand les possibilités d’un jeu sont si incroyablement riches quelle idée à la con de ne permettre de faire qu’une seule partie.

Arme nucléaire et humanisme

Cela fait de nombreuses années que les écologistes expriment une vive hostilité à l’énergie nucléaire, que pour ma part je partage plus ou moins. Plus pour la difficulté de réduire et de stocker les déchets, moins sur le fait qu’il s’agit bel et bien d’une alternative malgré tout intéressante aux « énergies qui réchauffent la planète ». Mais ceci n’est pas mon sujet, puisqu’à vrai dire je pense être un modeste écologiste du quotidien mais que l’univers du militantisme m’est extrêmement éloigné. J’ai tendance à penser que les vérités sont souvent bancales et à moitié satisfaisantes sur beaucoup de sujets, et du coup je préfère me focaliser sur les choix qui me semblent fondamentalement indéfendables malgré une quasi unanimité. Si si ça existe, et sans surprise (c’est dans le titre) je vais aborder à présent un thème qui me paraît répondre à cette définition, l’arme nucléaire.

Je n’ai pas fouillé le sujet à fond, mais malgré tout ce que j’ai pu entendre comme légitimation du fait de posséder l’arme nucléaire ne m’a jamais satisfait. Qu’est-ce que l’arme nucléaire, si ce n’est la promesse en cas d’usage de massacrer des foules d’innocents ? Par son aspect massif et hyper destructeur, l’arme nucléaire concerne les populations, et non les forces armées, et je n’arrive toujours pas à l’heure actuelle à m’imaginer comment on peut en faire un usage humainement défendable.

L’explication de l’entretien de cette calamité potentielle repose sur un raisonnement absurde : si des gens malintentionnés décidaient d’en faire usage et de tuer des milliers d’innocents, nous ferions de même. Tu massacres des femmes et des enfants innocents comme un gros salaud ? Et bien je peux faire pareil ! D’où la dissuasion. Mais je me demande, naïvement, en quoi cela pourrait être positif. Admettons qu’un jour les Nord-Coréens, les Russes ou les Iraniens décident de franchir le pas : en quoi ajouter un massacre à un autre massacre apporterait quoi que ce soit de positif ? Quelle serait la valeur ajoutée de la réaction d’une démocratie humaniste, ce que nous sommes sensés être, si c’est sur le même mode destructeur ? Je n’arrive pas à trouver la réponse…

A moins qu’il y ait un tel sentiment de supériorité qu’on arrive à penser qu’il est légitime de massacrer si on n’est pas le premier. En fait ce serait ça être humaniste, massacrer oui, mais seulement en représailles. Parce que la dissuasion c’est bien gentil, mais ça repose sur le le fait qu’on envisage la réponse armée. C’est obligatoire, ou alors on passe pour un con avec ses armes mortelles qu’on garde sous le coude mais qu’au fond on sait qu’on n’utilisera jamais. Donc on pense les utiliser au cas où… Et si on refusait ce « cas où », si on se disait qu’on était vraiment humanistes, et qu’au pire, si on devait subir la monstruosité on ne l’imposerait pas en retour, quelle que soit la situation, à des innocents qui ne seraient de toutes façons que des otages de leurs gouvernement ? On serait comme plein de pays sans l’arme nucléaire, comme l’Allemagne, l’italie, l’Espagne… Avec en plus l’élégance incomparable de celui qui renonce au pouvoir de mort qu’il a un jour détenu.

On ferait des économies, et on serait de vrais humanistes. Pas des gens civilisés qui entretiennent soigneusement la possibilité de se transformer à tout instant en assassins.

Adieu Stupeflip

 

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Comment expliquer pourquoi on aime Stupeflip ? Il y a bien l’emballage musical, les boucles qui rebondissent dès les premières minutes de ce dernier album, cette sensation d’être une bille de flipper qui rebondit joyeusement sur des bumpers et autres joyeusetés ludiques : The Antidote est tellement Stupeflip qu’il en est presque convenu. Il y a ces jeux de mots ridicules, infantiles et qui tapent pourtant si juste, parfois menaçants, souvent gorgés de cette prétention naïve, puérile de celui qui a décidé d’être fier de sa monstruosité plutôt que de la dissimuler : « Ma face de gogol fait trop flipper les foules et ça me ramène plein de cagoles quand j’enfile cette cagoule » ou « C’est du lourd c’est d’l’or ce qu’il y a  dans mon disque dur, je fais des disques d’art qui seront disques d’or. »

The Antidote est complètement Stupeflip, mais il y a déjà un truc bizarre. Une petite mélancolie pointe déjà dans ce morceau musicalement léger.

La grande incompréhension autour de Stupeflip est que certains n’ont jamais compris que tout y était au premier degré. C’est pour ça qu’au milieu d’un univers musical saturé par une diversité probablement sans cesse croissante King Ju a réussi à souder un groupe de fanatiques. La sincérité n’est pas en soi une qualité suffisante pour être artiste, et il y a plein d’artistes sincères et très chiants. Mais Stupeflip c’est autre chose. Il peut y avoir de l’ironie dans le propos, mais pas une once de cynisme, qui est pourtant la valeur cardinale de l’époque. Il y a de la dérision aussi, avec le fil rouge de cette voix de google traduction, « Sandrine Cacheton », qui évoque le dialogue pathétique mais rédempteur de l’homme en perdition de la Vie très privée de M. Sim avec la voix féminine de son GPS. Stupeflip est peu calibré pour le commerce, malgré le malentendu Je Fume Pu d’Shit ( qui reposait déjà sur l’incompréhension d’un morceau certes amusant mais totalement premier degré…), Stupeflip passe mal dans les medias, joue très mal la comédie de la promo et c’est pour ça qu’on l’aime. Non qu’il suffise d’être nul au niveau médiatique pour être génial, mais dans le cas de Stupeflip tout est lié, l’inadaptation et l’oeuvre…

Musicalement ce dernier album a effectivement, comme annoncé des airs d’adieu. Stup virus reprend des formules qui ont parsemé le parcours du Crou durant un peu plus d’une décennie. Les titres dégagent moins d’entrain que sur le formidable Stup Invasion, et l’on ne trouve plus les chansonnettes écervelées (et lassantes au bout d’un moment il faut l’avouer) de ce fameux album. Les intermèdes pop grotesques sont plus tristes (Lonely Loverz), bien qu’à y réfléchir Stupeflip n’a jamais été un groupe marrant malgré une forme de légèreté trompeuse. Stupeflip a finalement toujours oscillé entre autodérision, déprime et rage, même si les boucles sont sympatoches et les accents pop volontiers désuets et ridicules.

Dans ce dernier album, au net parfum de testament (quoiqu’il se passe ensuite), Stupeflip semble prendre une dernière bouffée d’oxygène pour délivrer quelques hymnes exangues, échos affaiblis de l’énergie de l’indépassable Stupeflip vite ! Understup et cette voix enfantine féminine, à l’écho un peu lointain criant un mystérieux et régulier « Naaan ! » évoque à merveille cette sensation d’assister au dernier souffle d’un mourant, qui mélangerait les souvenirs dans un même propos (l’aspect martial de Stupeflip vite ! et les éléments enfantins du Spleen des petits).

On retrouvera d’ailleurs la jeune Colette sur le délicieux intermède Fou-fou, qui mêle à la perfection ses accents juvéniles avec les réminiscences du maxi Terrora (« Die motherfucker die »). Stupeflip a peu utilisé les voix féminines, mais toujours à bon escient (les fabuleux couplets hurlés d’Hélène dans Stup danse ou le dialogue à la fois malsain et poignant avec King Ju dans le Cartable à l’époque de Stup religion)

King Ju semble d’ailleurs se branler totalement du possible mauvais goût de la formulation de « Terroriste bienveillant » par rapport à une actualité à cet égard brulante. Après tout il a bien raison, et puis le mauvais goût n’a jamais été un frein à l’expression de Stupeflip. C’est une des raisons de l’aimer.

Pour ma part je dirai que mon morceau favori dans cet album étrange, tendance fin de lignée est Crou anthem, qui est dans le moule des merveilles égocentriques de Stupeflip : Hater’s killah, la Menuiserie et autre Apocalypse 894.

Stup virus n’est en fin de compte certainement pas le meilleur album pour découvrir le groupe, Stup invasion ou Stup religion s’avérant plus agréablement fantaisistes. Mais il est assurément une conclusion inévitable pour ceux qui ont aimé ce qui a précédé.

Une conclusion poignante, pathétique, un dernier tour de piste où l’on entend des formules familières comme on reconnaît quelques éléments d’un quartier où l’on a habité alors qu’on n’y est pas revenu depuis  longtemps. Il a toujours de la rage, du désespoir, l’ironie grinçante du groupe, mais avec cette fois quelque chose du Hal 9000 qu’il faut déconnecter dans 2001 l’Odyssée de l’espace. Ce terroriste-là a beau toujours avoir été bienveillant malgré son imprévisibilité et ses coups de dent, il se sera courageusement débranché lui-même avant de risquer ce qu’il n’a jamais voulu être, une parodie empreinte de ce truc sympa au début mais franchement dégueulasse quand on en bouffe tous les jours, le second degré.

Merci King Ju d’avoir été, pendant ces années, à la fois si tendre, si violent, si ridicule et si premier degré.

Empêcher les mineurs de consulter des sites pornographiques ?

Il y a peu je suis tombé sur le site du Monde.fr sur un article évoquant une question lancinante, évoquée ainsi : « Comment empêcher les mineurs de consulter des sites pornographiques ? »

La première chose qui me gêne dans cette proposition est l’aspect vague de la population concernée : est-ce qu’un jeune de 16 ans a vraiment besoin d’être « protégé » de la pornographie ? Je ne pense pas qu’il encoure forcément grand péril à sa fréquentation. Et même, s’il ne s’agit « que » de pornographie, à savoir de représentation complaisante d’actes sexuels (c’est ma définition, je pense qu’elle en satisfera d’autres), en quoi est-ce réellement gênant, et à partir de quel âge ? La question du « pourquoi protéger de la pornographie » n’est finalement que rarement posée, ou alors quand elle est posée elle est expédiée en quelques mots à coup de fausses évidences. La première est que ce serait un spectacle dégradant, en particulier pour la femme, et qu’il irait forcément de pair avec une forme de violence. Ce qui est totalement absurde. Ou alors pas davantage que dans n’importe quel travail. Le travail est bien souvent une exploitation de la menace de la pauvreté… Qu’il s’agisse de faire des films pornos ou d’aller à l’usine. Je ne nie pas qu’il peut y avoir une partie du commerce de la pornographie qui repose sur l’exploitation évidemment, mais en soi la pornographie n’est pas automatiquement une violence. Des amateurs partagent bien leurs images pornographiques. Il n’y a aucune fatalité, aucune obligation à ce que le porno soit dégradant.

C’est à se demander parfois où cette brave ministre des familles va chercher des renseignements sur la matière, pour  décréter que « quand on sait que près d’un(e) adolescent(e) sur deux estime que les vidéos pornographiques qu’il ou elle a vues au cours de sa vie ont participé à l’apprentissage de sa sexualité, on ne peut que s’alarmer. » Vraiment, on ne peut que s’alarmer ? Pour ma part, comme bien des mâles de mon âge il m’arrive de consulter du porno, et ma foi j’y trouve rarement des choses réellement offensantes. Mais peut-être que je suis un amateur un peu trop normal, que mes goûts ne collent pas à ce qu’imaginent Laurence Rossignol et son équipe. Je consulte du porno pour voir des gens faire l’amour, ou du moins avoir des relations sexuelles qui évoquent une satisfaction des deux parties (au moins) en présence. Je regarde ça en désirant un spectacle sympathique, et je doute, franchement, que du porno réalisé sous contrainte et dans la violence puisse me donner pleinement satisfaction. Après c’est un travail, avec son ingratitude, mais je pense que c’est un travail qu’on choisit malgré tout davantage que celui de femme de ménage ou caissière de supermarché…

On dirait que la pornographie en elle même, qui est difficilement condamnable si ce n’est par des pères / mères la pudeur doit être associée à des choses qui ne relèvent pas de la pornographie pour être discréditée : la contrainte, la violence, l’humiliation. Non, la pornographie ne contient pas dans son essence quelque abaissement de l’un ou de l’autre, et on peut en voir plein qui est totalement digne, pourvu qu’on supporte simplement le fait de voir des gens avoir des relations sexuelles.

Dans l’article il est dit qu’une rapporteuse propose en matière éducative des « jeu(x) de rôle » mettant en scène des situations concrètes. « On pourrait y introduire des notions qui ne sont pas abordées dans les films pornographiques, comme celles de plaisir et de consentement« . Je veux bien qu’il soit difficile de juger du plaisir effectif pris  par les partenaires dans un film pornographique (quoi que les expert(e)s semblent très renseignés pour opter pour la négative), mais quant au spectacle il me semble bien, à moins que je sois un pervers, que bien des films mettent en valeur non la contrainte et la souffrance mais bien plutôt le plaisir et l’entente. Curieusement les amateurs de porno sont probablement des gens assez normaux et – chose incroyable – les gens normaux aspirent plutôt à l’évocation du plaisir et de l’harmonie plutôt qu’à celle de la souffrance et de l’humiliation ! Après ce sont de acteurs (pour ce qui est du professionnel), et comme un acteur de cinéma classique on ne leur demande pas de ressentir des émotions, des sensations mais de les jouer. Et oui, c’est un métier ! Et il y a aussi tout le porno amateur, ou la contrainte semble encore un peu plus improbable mais peu importe, après tout nous sommes dans une lutte idéologique où se confondent une certaine idée du féminisme avec des vieux relents aigrelets de morale empesée.

Puis qu’il est question d’éducation je dirai même que la pornographie, ou plus souvent le porno light (plutôt qualifié de « film érotique ») qui était à l’époque le seul facilement visionnable par les non abonnés à Canal, m’a probablement aidé, moi et d’autres, à traverser les questionnements, les insatisfactions, les frustrations de l’adolescence. Mais encore une fois, je n’ai pas du voir les bons films puisque ceux dont je me souviens me semblaient encourager à traiter les femmes avec douceur, souplesse pour arriver au véritable but du jeu amoureux : donner du plaisir et se réjouir de ce spectacle. Et je recherche toujours la même chose, que je trouve pour mon bonheur dans ma pratique sexuelle autant que, quelque fois, dans le visionnage de spectacles pornographiques.

Il me semble qu’il y a une profonde incompréhension mêlée d’hypocrisie dans cette façon d’aborder la question de la pornographie par le petit bout de la lorgnette : la pornographie dégradante existe, mais elle n’est pas toute la pornographie. Et cette part avilie de la représentation du sexe n’est peut-être que le reflet du fonctionnement de la société, qui a largement, en tous domaines, cette part de sacrifice humain. Simplement l’adjonction du sexe au sacrifice semble assez spectaculaire pour attirer des regards qui s’accommodent finalement assez bien du sacrifice des sans-abris, des sans papiers, des migrants qui trouvent porte close et qui eux par contre ne sont jamais consentants…

Protéger la jeunesse est un beau programme, mais la protéger de quoi, pourquoi ? Pour ma part je suis finalement moins inquiet de la possibilité que des enfants tombent accidentellement sur des images sexuellement explicites mais non dégradantes (ça existe, je le répète mais personne ne semble le savoir chez les politiques ou les journalistes !) que de voir défendue par une ministre socialiste (Fleur Pellerin) la publicité sur le service public dans les programmes pour la jeunesse. Si cela est certes moins spectaculaire je crois qu’il est plus avilissant pour une société de gaver ses enfants de publicité entre deux dessins animés pour des motifs commerciaux (entrecoupés de messages de santé publique complètement contradictoires…) que d’accepter le risque qu’ils voient par accident (ou parce qu’ils l’ont recherché…) une représentation sexuelle. Seulement d’un côté il y a la morale, l’argent, et la ministre.

Finalement, en ce domaine comme en bien d’autres on traite non les questions les plus importantes mais les plus spectaculaires, tout en les biaisant pour éviter soigneusement d’agir sur le fond. Lutter contre l’exploitation n’est pas lutter contre la pornographie et lutter contre la pornographie n’est pas lutter contre l’exploitation.

Une sanction exemplaire

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Parmi tout ce que nous font subir les hommes politiques il y a quelques petites choses, ici et là, qui nous sont plus pénibles que d’autres. Non qu’elles soient obligatoirement les plus graves ou les plus répréhensibles, mais par exemple, pour mon cas, j’ai envie de tuer un politicien qui dit le mot « bisnounours » (comme ceux qui parlent de « tirer les conséquences » : on tire des conclusions, pas des conséquences). Ceux qui suivent (ou subissent) un peu la vie politique et le babillage de nos élites savent que ça n’est pas une blague, aussi stupéfiant que ce soit avec un peu de recul : les hommes politiques évoquent régulièrement les bisnounours depuis des années, alors même que leurs enfants/petits-enfants devenus des adultes ne les regardent plus. Ils ne parlent pas vraiment des bisnounours en eux mêmes, certes, mais ils utilisent quotidiennement encore l’expression « on ne vit pas dans le pays des bisnounours » ou « on n’est pas chez les bisnounours », pour rappeler le fait que la réalité est dure, complexe et qu’on ne rigole pas tous les jours. On sait jamais, les électeurs pourraient avoir tendance à penser le contraire, confits qu’ils sont dans l’opulence et la facilité. Bref au-delà du fait que l’expression révèle une pauvreté de langage consternante, ce type de vocabulaire suinte le mépris du peuple en prenant une référence délibérément infantilisante (et has been de surcroît). Pourquoi ne pas dire plutôt « ne pêchons pas par trop de naïveté » ou « acceptons la complexité du réel » comme si on parlait à des adultes ? Même les spectateurs de Cyril Hanouna devraient pouvoir comprendre.

Mais tant qu’il ne s’agit que de langage… Car il y a bien pire que comme mauvaise habitude et tic détestable. Il y a la demande de « sanction exemplaire ». En fait ce qu’il y a de particulièrement hérissant dans ces choses, c’est à la fois l’imbécilité de la déclaration initiale mais aussi la reprise journalistique, sans commentaire, sans recul, sans valeur ajoutée. Quand des délinquants commettent des actes répréhensibles suffisamment médiatisés et impopulaires, l’homme politique réclame une « sanction exemplaire ». Il va de soi pour un esprit simple comme le mien que le seul souhait que l’on peut faire en matière de justice est de voir prononcée une sanction « juste et équitable ». Mais non. C’est absurde, cela contrevient à la fois à la séparation des pouvoirs, au sens même de la justice, aux fondements de notre démocratie mais peu importe : les cons, c’est aussi à ça qu’on les reconnais, en appellent à la justice exemplaire. Que veut dire une justice exemplaire ? Si elle se contente d’être juste, toute justice est exemplaire et il ne sert à rien de réclamer un exemple particulier. Si l’idée est de « faire un exemple » qui sort du lot cela revient à réclamer une peine plus lourde que celle méritée afin de dissuader d’autres potentiels délinquants. Et on décide donc de sanctionner injustement en connaissance de cause… Est-ce le rôle de la justice ?

On pourra aussi noter que le principe de la peine exemplaire s’applique de préférence à un non politicien, mais ça… c’est du populisme.

Un pauvre type (un de plus)

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« Vous trouvez ça normal de rembourser les frais de santé d’une personne en situation irrégulière et de ne pas pouvoir le faire pour un Français ? » (Bruno Le Maire, 1er débat)

On est habitué à entendre leurs bêtises à longueur de temps, bêtises rarement proférées par ignorance ou misère intellectuelle mais simplement pour coller aux supposées orientations d’une partie de la population, généralement pas la plus brillante (on est en démocratie pour le meilleur et pour le pire, et de plus en plus pour le pire). On dit qu’accéder aux responsabilités c’est « mettre les mains dans le cambouis », mais pour y accéder, ou tenter de le faire, il faut parfois d’abord se rouler dans le caca. Tous ne le font pas avec le même empressement. Certains semblent réellement aimer  ça, et le font avec une forme de ce qu’il faut peut-être appeler talent. Sarkozy est imbattable à ce sport qui consiste pour un membre de l’élite à se faire plus vulgaire que le premier venu, plus beauf que le français moyen (toutefois Sarkozy a le gros avantage d’être en partie ce qu’il joue, il n’est pas dans une totale composition). Le niveau moyen semble chaque jour s’affaisser un peu plus, et la stratégie de ces gens là, stratégie fréquemment gagnante, est de tirer sans cesse sous la ligne de flottaison morale et intellectuelle de la population. Le navire de la communauté nationale prend l’eau, et sa misère morale le pousse chaque seconde un peu plus vers l’avènement du Front National. Mais tant qu’il reste un espoir de tirer les marrons du feu ils n’arrêteront pas. Après tout quel est l’enjeu ? Le sort de la France et des français ?

Donc on parle de « racailles », on insulte des gens qui ne veulent pas vous serrer la main, ou alors quand on veut rester plus policé en apparence on fait comme Bruno Le Maire : on évoque proprement, poliment la façon dont les immigrés clandestins sont mieux traités que les français. Parce que c’est un scandale : on soigne les clandestins et pas les français.

Evidemment c’est faux, évidemment ça repose sur un pur fantasme xénophobe. Evidemment une toute petite réflexion de dix secondes, reposant sur le simple constat que la politique est affaire de calculs cyniques, ferait prendre conscience de cette aberration : les clandestins ne votent pas, ne représentent aucune force, et des politiques auraient décidé de les choyer sans autre raison que par pure idéologie xénophile ? Ou alors cette gauche si peu de gauche n’aimerait pas les pauvres français, et les priverait sciemment de soins.

D’ailleurs que voudrait-il Bruno Le Maire ? Qu’on ne soigne pas les clandestins ? Peut-être ne sait-il pas que leurs pathologies peuvent éventuellement se transmettre aux français ? Peut-être qu’il serait capable de regarder mourir quelqu’un qu’on pourrait soigner mais qu’on ne soignera pas car il est étranger en situation irrégulière ? Parce que c’est ce que suggère son indignation de bistrot.

Bien sûr ça n’est qu’une phrase en passant, un détail parmi tant d’autres qui enfoncent sans cesse la vie politique dans le fumier. On fait mine de s’alarmer de la progression du Front National, et on ne voit plus ce genre de propos, qui venus de la droite supposée fréquentable, est exactement dans la même veine que le Front National. Un Front National qui ressasse d’ailleurs un peu moins que naguère cette rhétorique anti-immigrationniste beaufisante. En somme Bruno Lemaire, l’homme nouveau, se baigne dans une mare qui pue tant que même le Front National la visite un peu moins qu’il ne l’a fait. Peut-être que le Front National a trouvé le fond et a cessé de descendre dans la démagogie glauque et haineuse puisqu’il ne le pouvait plus. Quand on touche le fond on ne remonte pas forcément, mais on ne descend pas davantage.

Bruno Le Maire, l’homme si brillant, si « nouveau » ne désespère pas de gratter encore un peu la fange de ce populisme qu’il stigmatise chez « les extrêmes » alors qu’il y est enfoncé jusqu’au cou.

Le problème c’est pas tant que les élites soient « déconnectées » du peuple, c’est quand ces élites pensent que le peuple est simplement une masse à manipuler pour faire carrière. Et quand la manipulation implique de désigner des populations particulièrement faibles, vulnérables comme indûment privilégiées on touche à l’abjection.

Qu’ils se la foutent donc au cul leur putain de guerre

Soucieux que je suis de respecter les lois de mon pays, enfin, la plupart, je me refuse à tomber dans l’injure, même s’il c’est souvent tentant. Donc je m’en tiendrai à ce titre grossier mais pas infâmant.

Mais quand même, quelle bande de sinistres branleurs. Dès les premiers mots les bêtises ont fusé : la France aurait été, à travers l’attaque terroriste de novembre, victime d’un « acte de guerre ». Alors est-ce moi ou bien le terrorisme et la guerre ça n’est pas la même chose ? Je croyais, naïvement, que la guerre se faisait avec des armées, qu’elle avait des lois, certes jamais vraiment respectées, mais tout de même : il y a bien des « crimes de guerre », avec des coupables qui ont été condamnés par le passé. Il y a des conventions sur le traitement des prisonniers de guerre, aussi. Personne n’a jamais envisagé d’encadrer le terrorisme à ma connaissance, en désignant des activités criminelles non acceptables dans le cadre du terrorisme. Le terrorisme est criminel dans son entièreté, il n’a et n’aura jamais aucune règle. C’est pas rien quand même.

Le terrorisme n’est pas la guerre. Certes l’Etat Islamique fait visiblement les deux, mais c’est une faute de tout confondre. En qualifiant cette attaque terroriste d’ « acte de guerre » François Hollande fait des terroristes des soldats. Or il n’ont pas agi en soldat mais en tueurs, ce qui n’est pas la même chose malgré tout l’infini dégoût que m’inspire la chose et la gent militaire. Je ne hurlerai pas avec les loups que ces tueurs étaient des lâches, critique un peu vaine à mon sens, mais ils ne faisaient certainement pas la guerre en tuant des civils.

Mais il fallait un grand discours pour l’occasion sortir les grands mots. Comme si « victimes » et « terrorisme » ne suffisaient pas. Il fallait un grand mot pour notre petit président, il fallait parler de guerre.

Cette guerre contre le terrorisme que l’on va gagner paraît-il. Enfin, qu’ils vont gagner, nos grands modestes. Une promesse qui sera sans nul doute tenue, au même titre que la baisse du chômage. Une guerre contre le terrorisme qui sera donc gagnée d’ici 2017, avant de passer la main à d’autres qui la poursuivront ou non, à moins que François Hollande sache déjà qu’il pourra la continuer au moins jusqu’en 2022.

Une guerre qu’ils vont gagner comment ? En allant quémander l’aide des autres, qui n’ont pas envie plus que nous d’aller batailler au sol en Syrie. Gagner avec qui ? Avec Bachar El-Assad ? Grand naïf que je suis, je doute qu’on résolve le terrorisme à coup de missiles. Je doute qu’on puisse être fiers d’éventuellement battre un jour l’EI en remettant un dictateur sanguinaire en selle.

Vous me direz ceci n’est pas très original, et si je pousse davantage mon analyse je vais commencer à dire des conneries si ça n’est pas déjà fait. Mais ce que je sais, moi, c’est que la guerre n’est pas le terrorisme. Or ils l’ont dit, et pas grand monde ne les a contredit. Et comme ça me fait chier d’entendre des bêtises qui viennent du sommet de l’état ça me soulage d’extérioriser mon mécontentement. Et j’ai pas fini.

De la sincérité artistique

Jusqu’à assez récemment je pensais que la sincérité était une qualité importante pour un artiste, mais avec le temps j’ai totalement changé d’avis. Ce qui compte, tout ce qui compte est le résultat, et peu importe le chemin. S’il y a bien un domaine où on peut tolérer le fait que peu importe le moyen pourvu que la fin vaille la peine, c’est bien l’art.

Alors il faut se résoudre à ne pas admirer l’artiste mais bien l’œuvre. On ne peut presque qu’être déçu par un artiste de toute façon, surtout s’il se présente sous un jour sympathique. L’artiste est le talon d’Achille de l’œuvre, on devrait toujours le tenir à distance de sa production et c’est pour ça que j’ai une sincère estime pour ceux qui font le choix d’être invisibles, masqués, ou se cachent sous une image excessive. Le rapport de Famine à Peste Noire est à cet égard exemplaire. Déjà, il offre un image tellement épouvantable (à mes yeux du moins) qu’il peut difficilement décevoir, et il y a tant à boire et à manger dans ses productions que tout peut y trouver sa place : des chants de l’Action Française aux pizzas surgelées Carrefour, des chaussettes Footix arborées fièrement à un extrait sonore des Visiteurs intégré à « Casse, Pêches, Fractures et Traditions », estime revendiquée pour Mano Solo comme pour Marine Le Pen (mais bon c’est tellement grotesque comme adhésion quand on se complait autant dans la marginalité). Quoi qu’il fasse, quoi qu’il dise, quoi qu’il montre ça peut finalement coller avec le reste.

Premier degré brut bordélique et invraisemblable ou fabrication savante et calculée, ou encore autre chose, peu importe, le résultat est là et tout ça est aussi abominable que magnifique. Le beau est plus fiable que le vrai.